C’était ces jours-ci. Les premiers, qui usent bien. La récré, le moment qui ne détend pas toujours grand monde.
Je n’ai pas sorti les vélos, parce que c’est le nid à embrouille et que j’avais besoin de récré, moi aussi. Tout le monde veut le même, le vert. Celui qui va vite, celui qui est en fer, celui que personne ne rattrape.
C’est toujours la même routine. J’ouvre le garage, cinquante mains mendient le vélo vert, et c’est un moment nul. Le vélo vert, il y en a quatre, en fait. Quand je les ai tous distribués, certains commencent à pleurer parce qu’ils n’en ont pas. Parce que les autres sont nuls, rouges, petits, en plastique ou les quatre à la fois. J’essaie de varier, de na pas être injuste. Je les donne à une fille, un garçon, une fille, un garçon. Une petite, un moyen, une moyenne, un petit. Je referme le garage, je ne coince aucun doigt, je ne tape aucune tête avec la grande porte en métal basculante. Dans la cour, ça y est, on se fait frôler de tous les côtés en se demandant comment ils font pour ne pas nous atteindre. Je crois… qu’ils ne font pas exprès et qu’on a tous de la chance. Un coup d’œil rapide, quatre garçons ont déjà réussi à récupérer toute la flotte des vélos, verts. Une mini bande de cyclistes délinquants sillonne la cour en poussant des cris d’apaches.
Alors cette fois, je ne les ai pas sorties du garage, ces minis bécanes. Ils ont demandé pourquoi, j’ai dit qu’on allait faire autre chose. Des légos et un vieux tissu, des craies, des petites voitures.
Aujourd’hui, j’ai recommencé. Et personne n’a demandé les vélos. Personne n’a pleuré. Personne n’a même rien remarqué.
Les garçons ont dessiné des bonhommes au sol, construit des machines en petites briques, assis par terre, tranquilles avec des filles aussi. Et tout en haut de notre colline de cour, deux robes et un maillot de foot ont lancé des petites voitures aussi loin que possible, comme des javelots.
[NB: Sur les filles et les garçons dans la cour… Écouter ça et/ou ça si l’envie vous en dit!]