Coulisses

Deux petits vélos sont abandonnés dans la cour. Des feuilles marrontes partout. Et le gros lapin du poulailler au milieu. Il a depuis longtemps, compris comment prendre la tangente et sortir de son enclos, quand l’école est totalement silencieuse. Son endroit préféré: la cour. Sans personne. C’est lui le vrai directeur de l’école. Fourrure blanche de pacha, toute puissance sur son territoire, aucuns comptes à rendre à personne. Je l’ai déjà surpris le matin, vers 8h. Allongé sur le flanc, à côté des balançoires. Dès que j’ai sorti le nez dehors, il est parti se réfugier à toute vitesse, dans « son » poulailler.

Aller à l’école pendant les vacances c’est toujours étrange parce que c’est propre, rangé et calme, comme un théâtre désaffecté, dont on change le décor. On prend le temps d’ordonner, de nettoyer, de raccrocher, de rendre plus beau, avant le retour des élèves. On retrouve des petits objets qui avaient roulé sous les radiateurs et des bizarreries qui nous avaient échappé. L’année est notre petite tragédie à nous, découpée en cinq morceaux, comme les grandes.

De mon bureau, j’entends Djamel. Il fait du vélo sur le parking qui surplombe le poulailler de l’école. Il est avec son frère d’une dizaine d’année. Djamel appelle sa mère. Plusieurs fois. Pendant longtemps. Avec sa grosse voix de petite-section. C’est un peu agaçant à force, mais sa mère ne vient pas. Ils habitent dans un immeuble qui donne sur le parking. Il appelle encore. J’ouvre la fenêtre du bureau et je le vois. Il montre les poules à son frère, et le lapin. Il s’inquiète car la porte de l’enclos est ouverte et les animaux sont en liberté dans l’école. Je lui fais coucou avec la main. J’explique que c’est exprès s’ils sont dehors, ce sont leurs vacances. Djamel est content de voir qu’il y a quelqu’un dans l’école je crois, de voir les animaux. Après un moment, il me crie au revoir. Aussi fort qu’il a appelé sa mère quelques minutes auparavant. Plus que deux jours avant l’école, il doit attendre avec impatience.

Demain, j’y retourne, il me reste des petits points à peindre sur un arbre, avec des couleurs de l’automne et du doré. Le décor du moment.