Quelquefois

« Quelquefois il y a des choses que personne, que personne ne peut expliquer… Et des questions que l’on se pose, sans réponse, sans réponse, parfois sont restées. » C’était les paroles d’une chanson de ce soir. Les élèves ont travaillé toute l’année en classe et aujourd’hui, c’était le grand soir. La grande journée surtout, parce qu’ils ont répété le matin pour certains et puis l’après-midi pour d’autres. Avec un vrai pianiste pour accompagner et pas seulement un CD.

Bien excités sur les gradins à dix heures du matin, on dirait un tableau plein de détails où l’on ne sait par où commencer tellement il y a de choses à voir. Ibrahim ne regarde pas du tout le chef d’orchestre parce qu’il caresse la tresse gauche de sa voisine qui a des cheveux très longs et très doux, totalement hypnotisé par cette matière. Elle, le regarde toucher ses cheveux, mais le laisse faire quand-même en chantant vaguement. Tout en haut, une petite s’entraine à loucher des deux yeux, puis séparément, puis en chantant. Au dessus d’elle et de tous les enfants du gymnase, un immense panneau de publicité sur le plus grand fournisseur européen de pompes à chaleur. A la fin de la soirée, il vaudra mieux en rire. Enfin, tout devant au premier rang, une feuille blanche tremblante et caché derrière, un élève qui s’entraine à lire le petit texte d’introduction de la chanson qui va suivre. On verra ce soir, là c’est la générale.

La journée défile et vient enfin le moment du concert.

Les parents arrivent, se pressent à la porte, nous laissent leurs enfants qui courent vers la scène. Pressés, ils croivent qu’il sont en retard. Mais non. Alors ils s’installent comme pour la répétition, ils ont tous des tee-shirts colorés. Sauf quelques-uns qui portent des rayures ou du bleu-gallinacé-trois-bandes à la gloire de l’équipe de France de foot. Les parents entrent et font « Wahou » en découvrant ces rangées d’enfants bien alignés qui s’échauffent la voix tous ensemble en regardant fixement le chef. Silence, notes, c’est parti.  Les premières chansons passent, les premiers enfants en retard arrivent. Le maître des grands de maternelle file discrètement de la porte à la scène pour les installer ni vu ni connu. Certains se mettent à chanter tout de suite, mais d’autres ont besoin d’un moment pour digérer qu’ils sont en retard, et en retard devant tout le monde. Et puis ils n’ont pas eu le temps de faire coucou à maman ou papa dans le public. Les chansons passent, et on arrive à la dernière. Le dernier élève en retard aussi, arrive. Le maître court toujours et me regarde d’un air désolé en amenant le dernier des derniers au devant de la scène. A ce stade, ce n’est plus du retard. Il est tout devant et il chante mais il a beaucoup de larmes dans les yeux et sans doute dans la gorge. C’est la chanson de la fin. « Quelquefois il y a des choses que personne, que personne ne peut expliquer… Et des questions que l’on se pose, sans réponse, sans réponse, parfois sont restées ». Et il chante, en cherchant ses parents.