Maquis pédagogique

Maquis pédagogique

Dans ma classe, les néons usés ont clignoté pendant plusieurs semaines. Les demandes de réparation, c’est seulement le jeudi sinon la Mairie n’arrive pas à gérer le flot des mails.

Cela fait plusieurs jeudis que c’est en cours et maintenant les néons ne s’allument plus.

On y voit mal mais ça ne fait plus de bruit ni de clignotements.

On est tranquilles dans le maquis.

On n’a plus de ministre. On n’en avait pas non plus cet été. Et l’année d’avant, il y en a eu quatre différents.

Quand il y a des nouveaux programmes, je lis. Je vois bien quelques néologismes qui remplacent la déco précédente.

On peut les imprimer chez nous. Ou à l’école. Mais on ne les reçoit plus. Peut-être que ça se modernise ou que c’est moins convivial. Pas de pistaches à l’apéro, même molles ou pas très salées.

La formation s’effondre, les contenus s’appauvrissent. Plus de choix. « Public désigné ».

Voilà, on s’enfonce de plus en plus profond dans la forêt. Pas de chemins bien marqués, pas de cailloux blancs. Des sentes par-ci par-là et il faut choisir lesquelles et ne rien lâcher. Des mini stères de bois coupés sur les bas-cotés.

Je me rends compte qu’on est tous seuls.

Ça doit faire un moment qu’on nous a abandonnés, mais c’est maintenant que je le vois.

Même pas peur, parce que de toute façon, je serai là après ce ministre et le suivant encore. Ce n’est pas lui qui continuera le blog de la classe, qui achètera de la peinture pour proposer cinq bleus différents ou qui construira une cuisine en palettes avec les parents d’élèves pour la cour de l’école.

Ce n’est pas lui qui tient les murs et qui lance du maïs pédagogique aux petits et aux grands.

C’est dans la classe que tout se joue, pas là-haut. Dans la forêt, loin des arbres qui la cachent.