J’ai affiché le planning de rendez-vous, pour les parents qui veulent qu’on fasse un point avant la fin d’année. J’aime bien, même si ça prend beaucoup de temps.
Je découvre toujours des détails, ou alors des situations s’éclairent avec des indices. Comme si je reprenais une enquête non résolue et que d’un coup, je comprenais.
Les parents de Yohannis ont traîné avant de prendre rendez-vous et ils se sont réveillés quand j’ai enlevé le planning. J’ai expliqué que ça faisait un mois que oui, je rencontrais les parents et que là, c’était l’avant dernière semaine avant les grandes vacances et que j’avais peu de disponibilités.
Ça m’a agacée mais Yohannis a tellement progressé cette année que j’avais envie qu’on puisse en parler et qu’il m’entende le dire à sa mère.
J’ai donc accepté un rendez-vous. Sa mère est arrivée à l’heure convenue. La seule possible pour elle. Elle avait l’air pressé et pendant que je feuilletais le cahier de graphisme en lui expliquant, j’ai fini par m’arrêter et demander s’il y avait un problème. Elle m’a dit « Non, non, c’est bon, c’est juste que j’ai rendez-vous pour mon grand dans cinq minutes à l’autre école ». Le petit n’a pas eu l’air de relever. Il était content quand même.
Le lendemain, j’ai réalisé que c’était vraiment presque la fin de l’année, et qu’il fallait qu’on regarde le calendrier avec les élèves, pour bien s’en rendre compte ensemble. On a compté les jours, ceux qui n’ont pas encore de gommettes, car ils ne sont pas passés, et les autres. Je leur ai demandé ce qui allait se passer après le 7 juillet et là, Yohannis m’a dit qu’on allait tous mourir.
J’ai précisé que non, c’était juste les grandes vacances qui arrivaient. Nayla a dit que si, sa mère lui avait dit qu’on allait tous mourir un jour. Alors, oui, un jour, mais sûrement pas en juillet de la moyenne-section.
Le temps qui passe, ras-le bol. On est repartis peindre avec de l’encre, sur des feuilles d’un grand format, qui donne envie de crabouiller. Ils ont réussi des puzzles empruntés à la maîtresse de la grande-section. Ils ont puni les poupées qui faisaient apparemment n’importe quoi. Tyffen a goûté les pastels sec et Kamel a mis de la pâte à modeler plein les trous du dessous des légos.
Dans cette agitation récréative, j’ai regardé ma classe, avec un peu de hauteur. J’ai pensé que ça bouillonnait. Qu’il y avait eu des progrès, et de mon côté aussi. Que j’allais encore changer d’école et les laisser grandir sans savoir ce qu’eux, deviendraient.
Un nouveau septembre, avec de nouveaux petiots.