Couic

Ce matin, j’ai passé un moment à essayer de nettoyer les tatouages de mes élèves. J’avais une lingette en microfibre bleue, une petite chaise et une file de huit tatoués devant moi. Ils en avaient sur les bras, les mollets, les cuisses et ils n’y étaient pas allés avec le dos de la cuillère. Tellement heureux que j’ai dû dire que c’était une super activité mais qu’on n’avait pas demandé aux parents avant, donc je préférais un peu nettoyer.

« Ça partira après plusieurs bains maîtresse, c’est pas grave hein ». Ça, c’est ma faute, je parle toujours de l’acrylique, la peinture qui ne part pas forcément, même après deux bains.

Des cœurs énormes avec les gros feutres pointe épaisse. Oranges, jaunes, rouges entourés avec du vert, du noir, un véritable festival.

En ce moment, l’école c’est bien.

Je fais beaucoup d’efforts. Je touche mes pieds pour de vrai quand on chante « tête-épaule-genoux-orteil », même dans la partie où on doit faire les mouvements à toute vitesse.

Je suis montée au toboggan de la cour sans tomber du filet ni rester coincée dans la descente.

Je participe beaucoup.

C’est un moment de l’année super, où l’on réalise d’un seul coup qu’ils ont énormément progressé.

Même Yohanis qui a un rythme très personnel.

Proche des planètes et souvent insaisissable. Il s’est fait couper les cheveux il y a peu, et même si ça n’a évidemment aucun lien, on dirait que ça l’a ouvert au monde. J’étais assise à côté de lui et je lui faisais remarquer que vraiment, c’était très réussi ce travail, et d’un seul coup il m’a dit: « Moi je suis le plus nul ». J’ai demandé pourquoi il disait ça et il m’a fixé avec ses yeux très bleus : « Si c’est vrai, c’est moi le plus nul de mes frères. » J’ai sorti ma phrase miroir-boomerang :

« -Mais qui dit ça?

-Ben à la maison, on me le dit. C’est vrai maîtresse. »

Je ne l’ai pas vu venir et je n’ai pas su répondre sur le moment.

Ça vient après. Notre regard change. On est touché, on voit derrière la coupe de cheveux, on prête un peu plus attention, le plus discrètement possible. On essaie de réparer, malgré nous, le coup de ciseau maladroit.