Corpus

La rentrée en maternelle nous dépossède de notre corps et ce fourbe se rappelle à nous comme jamais. Impossible de se déplacer normalement dans la cour, des tas d’élèves sont accrochés à moi.

Devant, sur les côtés et il faut faire des rétrocontrôles avant de reculer. J’ai même dit : « Là, il faut arrêter de me suivre », parce que j’avais trouvé un moment pour aller aux toilettes pendant la récréation. En m’éloignant sans me retourner, j’ai ressenti physiquement le besoin de faire de grands pas, mouvement impossible qui me manque en ce début d’année.

J’avais oublié aussi qu’il faut rappeler aux enfants les frontières du corps. Des mains sous mes bras et qui me touchent les jambes, me le rappellent. Des nez qui s’essuient la morve dans mes habits, des petits êtres qui se jettent sur moi et des doigts minuscules qui me font des guilis n’importe quand. Je ne parle pas des yeux qui me scrutent en permanence.

J’appartiens à tout le monde.

Le matin, les parents me transmettent parfois un koala qui tient accroché si fermement que je peux lever les bras sans qu’il glisse. Je suis un bambou, je peux plier légèrement, mais à l’aide des genoux pour épargner mes lombaires. Et voilà qu’apparaissent les fameuses courbatures de cuisses de septembre.

Après le calme de l’été, vient aussi le bruit de cette rentrée… Je chante pour faire taire la rumeur de la classe, puis j’essaye d’échapper à la mélodie pour reprendre ma peau d’adulte, une fois rentrée à la maison.

Le trajet en vélo fait office de sas efficace, une vingtaine de minutes, avec en point d’orgue, un paysage industriel magnifique sur une passerelle de voie ferrée impressionnante.

C’est la rentrée, chaque jour, je gagne en indépendance et…on a commencé la peinture, c’est gagné.