Il fait chaud. À midi, j’ai prévu de manger à l’extérieur. C’est rare alors je m’en fais une joie. Et puis ce sera vraiment à l’extérieur, dehors, sur un trottoir, à regarder les gens qui passent. En terrasse.
C’est aujourd’hui que je vais me faire cette folie. Sincèrement, je ne peux pas dire que j’ai attendu cela comme une folle pendant un an. C’est plutôt la légèreté de pouvoir le faire au dernier moment qui m’a manquée.
Je rejoins quelqu’un, on s’installe, on regarde la carte. Simple et claire, tout fait envie. Je décide vite. La salade Burrata arrive vite aussi, sa magnifique boule de fromage coupée en deux, cernée de noix et de lamelles de chou rouge. Des couleurs, des associations simples et pas prétentieuses. On savoure en silence le contenu de l’assiette et le moment particulier.
Je regarde dans le vide, face à moi, le croisement de deux rues du centre ville. Des voitures, des vélos et plein de gens qui passent. En arrière plan, le bureau de tabac et devant, une mère et sa fille.
La petite a des collants bleu marine et des nu-pieds brillants, une robe par dessus tout ça, un fourre-tout de toutes les saisons – un peu étonnant.
Elle tient une grande poche de tortillas goût fromage. Le paquet est immense et les couleurs de l’emballage criardes. Elle plonge sa main et mange à pleines poignées.
Je la reconnais d’un coup. Le sol me glisse sous les pieds. C’est Sara de ma classe. Elle est arrivée il y a trois jours et en a déjà loupé deux autres. On l’attendait en septembre mais elle est logée à l’autre bout de la Métropole et tout est compliqué. Difficile pour le moment de comprendre et démêler la situation. Je sais qu’elle est venue deux semaines en mai de l’année précédente et la revoilà.
Dans ma bouche, la mozzarella au lait de bufflonne et la salade parfaitement assaisonnée.
La mère et la fille restent devant le bureau de tabac. Au bout de vingt minutes, une troisième femme arrive et elles s’installent toutes ensemble au café d’à côté, je ne les vois plus très bien.
Vers 14h, la classe reprend et nous allons jouer. Loups et moutons se promènent dans la prairie. Les moutons demandent : « Loup, quelle heure est-il ? » et le loup répond : « Trois heures… midi… sept heures… » Le suspense est lourd, un orage se prépare. Le loup a pris un dessert après sa salade et même un café.
« Il est minuit ». Les moutons affolés et ravis courent se réfugier dans la bergerie. Il faut s’enfuir et vite rentrer se mettre à l’abri. J’attrape Sara. Elle a fait exprès de se laisser prendre.
Elle rigole et le reste des enfants est surexcité. Je continue, même si je n’aime pas vraiment être le loup.