Je suis là.

Lénaïg aime tout. Les pâtes à la cantine, le petit cahier de graphisme, changer les étiquettes des jours de la date, ramasser des feuilles dans la cour, avoir des lunettes et faire sept peintures d’affilée le mercredi matin.

Quand elle n’aime pas, elle le dit avec la négation. Quand elle crie dans le couloir, c’est parce que ça résonne et que ça donne envie.

Elle est chez les moyens et ne veut pas être plus petite que les grands. J’ai intérêt à lui dire bonjour tout de suite le matin, sinon, elle se plante derrière moi, me fait  « toc, toc »  du bout de l’index dans le dos et quand je me retourne, j’ai droit à: « Dis, donc, tu m’avais pas vue là! »

Dans son monde, une boite de dattes du goûter ressemble à une grande réserve de saucisses, lever le doigt c’est pour les mous et le grand pot de feutres est tout entier pour elle. Il lui faut toutes les couleurs pour son dessin qui sera magnifique. Elle me prévient qu’aujourd’hui, elle va faire des quadrillages et me reprend si j’ai le malheur d’oublier une activité au fil de la journée.

Elle pleure si le petit cahier de liaison ne rentre pas tout de suite dans son sac.

Quand elle arrive dans la classe en trombe, après la sieste, c’est pour nous demander, paniquée, ce qu’on a fait sans elle.

Pendant l’exercice de sécurité « attentat intrusion », on s’est tous cachés dans la classe. Sous les tables, les armoires, les coussins, les bancs. A un moment, j’ai essayé que personne ne dépasse en attendant que la directrice vienne nous chercher, mais je voyais toujours des pieds d’enfants.

J’entendais rire mais sans bruit. Le temps passait vite, j’en déplaçais certains pour trouver la combinaison de la cachette absolue. C’était pour de faux bien sûr mais quand j’ai éteint les lumières et baissé les stores, je n’avais plus du tout envie de jouer, ça avait l’air grave. Au dernier moment, j’ai trouvé un grand rouleau de papier avec des fleurs de printemps peintes dessus. On l’avait fait dans la cour, un jour de grande chaleur, en tout début d’année.

J’ai demandé à Lénaïg si je pouvais la mettre sous le rouleau pour qu’elle soit vraiment très bien cachée. Elle m’a fait un immense sourire parce que ça aussi, elle adorait.

Les minutes sont passées, aucun bruit. J’ai dit à tout le monde en chuchotant fort : « C’est super, vous êtes tous très bien cachés et très silencieux!»

La directrice nous a cherchés puis est repartie sans que personne n’ait crié qu’on avait gagné. Tout le monde est sorti de sa cachette, même Lydie mon ATSEM, qui était à genoux sous la table de pâte à modeler.

Puis la récréation a démarré et Lénaïg m’a dit qu’elle avait adoré ce jeu, d’être sous les fleurs sans bouger.

Demain, on goûte le pamplemousse. Il lui tarde.