Je ne sais pas comment ça arrive. D’un seul coup, on tressaute, il faut se rendre à l’évidence, on a le hoquet. C’est fatiguant, puis le rythme s’installe et on peut même… ne plus y penser. Ça dure parfois.
Les jours si chauds sont derrière nous, les hautes herbes, parties. Les poules à la ferme. Plus de gloussement au bord de la fenêtre. Dans la classe, il faut bien continuer, on rangeotte discrètement. Nous sommes une quinzaine. Jeudi, on prendra le bus pour s’aventurer un peu plus loin que d’habitude. Dernier pique-nique ensemble. Comme une petite fin, une de plus.
On s’habitue peu à peu à les quitter et disparaitre de leur paysage. Chaque chose peut être la dernière de l’année. Je leur dis, à certains moments. À quoi ça sert? Sans doute à éviter de se laisser froidement le dernier vendredi soir. Les aurevoir, j’y arrive mal de toute façon. Je reste en suspens avec mon sac , beaucoup trop longtemps. Pour les anniversaires, les barbecues, les soirées, les fêtes, tout. Je traine toujours.
Ici, il a fallu estimer combien de stylos pour l’an prochain, combien d’élèves pour les petites cases, tout ce qui peut être évalué l’a été, il n’y a plus qu’à s’en aller. Ibrahim va partir, chez la grande section dans l’école noire. Mourad m’a fait un dessin avec des yeux et de la viande. Merci. On est bien.
Quand le hoquet s’arrête, il y a ce moment désagréable où l’on voudrait en subir encore un, on essaie de le faire venir. Un de plus, mais non, on ne l’a plus. C’est fini. D’un coup. Avec juste un manque puissant quelques instants. La fin de l’année est là.
Tout le monde sera parti. Et on restera tout seul. Le trait sera tiré. La vie un livre dont il faut tourner les pages.