A l’école, le nom des classes, c’est plutôt nul. On commence à la maternelle. Les pères ont déjà perdu. On entre chez les petits, où on entend régulièrement, que c’est biiien, on devient un grannnd. Puis, on arrive chez les moyens, car c’est vrai qu’on a grandi, mais on reste moyen pour toute l’année. Enfin, chez les grands, c’est la grande école dont on nous parle tout le temps. Sûr qu’arrivé là-bas, on redeviendra petit. Alors pour faire simple, j’utilise seulement les prénoms. Le plus souvent possible. En plus, il y a des petits qui sont petits et des petits qui sont grands, des grands moyens et des petits grands, donc les prénoms c’est vraiment bien.
Dans les prénoms, il y a des lettres et avec les plus grands de mes élèves, on les regarde beaucoup en ce moment. Les barres aux t, les points sur les i, les traits sur les e. Un jour, je faisais un puzzle dix-huit pièces, le pas facile avec des animaux, et Mounir s’est approché pour me demander « c’est qui fait « ffffff maîtresse? » Au début, j’ai pensé qu’il y avait du bruit dans la classe et qu’il cherchait l’origine d’un « ffff » gênant. Non, il voulait savoir quelle lettre faisait « ffff ». Là, pendant le puzzle. Ça les travaille vraiment. Ils s’approprient rageusement les initiales de leur prénom. C’est leur M, pas celui du voisin, le F de leur mère et le G du prénom de notre Atsem. Et la plus passionnée, c’est Nora. A chaque fois qu’on rencontre un P, elle s’arrête un petit instant, me fixe de ses grands yeux noirs et me dit « C’est la lettre de mon père ». Le p de son papa, dont le prénom commence par un R.