Les élèves, le matin, ils veulent toujours savoir ce qu’on va faire et parfois même, ils demandent déjà dans la cour.
– Si c’est difficile, si ça va leur plaire, et à quoi ça va servir –
Ils parlent de la « sorte de travail à faire ». J’aime bien l’idée. C’est qu’ils commencent à réfléchir à ce qu’ils aiment, à être partie prenante, à avoir du goût pour certaines choses.
Cette année, moi aussi, j’ai bien identifié la sorte de travail que je n’aime pas du tout. Le travail long, fastidieux, intéressant, mais que tu ne peux pas faire vraiment dans de bonnes conditions et tout le monde le sait autour de toi. Il faudrait pouvoir travailler et réfléchir avec d’autres mais les autres, font autre chose, en même temps, donc ils ne peuvent pas t’aider. Non par manque d’envie, mais parce qu’il n’y a pas de temps prévu pour cela par le Ministère. Et puis aussi, il faudrait que l’on soit formés à la méthodologie, au travail en grand groupe, mais, il n’y a quasiment plus de crédit pour de la formation continue. Donc, on fait tous au mieux, mais ce n’est pas très bien. Alors tout le monde continue comme ça. Pour résumer.
Dans ces cas-là, je repousse un peu, car il reste toujours des sortes de travail qui avancent facilement et sont urgentes et ça c’est merveilleux.
Après deux ou trois merveilleuses tâches, c’est la récréation. J’appelle ma sœur. Ensemble, on parle des sortes de travail et on rigole de ça. Elle me donne le nom d’un blog qu’elle lit, quand il faudrait absolument faire autre chose. C’est celui d’une femme, médecin généraliste qui parle de ses patients. Et, dans un de ses textes, de ceux qu’elle déteste. Elle explique ses sentiments, un peu inavoués, ses agacements envers deux femmes qui se plaignent de tout, annulent un rendez-vous deux fois dans la journée pour des prétextes idiots, et elle décrit en détail l’évolution de la relation. Elle évoque ses notes, les notes de ses collègues remplaçants, et la réalité qu’elle apprend plus tard. Et puis ce jour où en formation, on lui a dit: « Un gamin que tu as envie de taper, c’est peut-être qu’il est tapé ».
Fin de la récré, je sors de mon bureau et je passe en salle des profs. Une collègue arrive, plutôt à bout. Elle parle d’un élève, un nom que j’ai entendu déjà de nombreuses fois. Et elle dit, en mettant sa main sur la bouche: « C’est horrible, mais j’avais envie de lui mettre une beigne. »
L’histoire en entier, est racontée ici.