Montparnasse

Dans les transports en commun, il faut souvent passer le temps. Des élèves et des valises sous le bras à Paris, c’est une sorte de Graal du déplacement à haut risque qu’on ne souhaiterait à personne. Le métro, les escaliers, les escalators, les valises qui tombent, plus qu’un train à prendre avant de ramener tout le monde entier. Ça, c’est pour ce qu’on imagine quand on prépare la sortie. Mais en fait, ils écoutent, ils font attention, ils suivent. C’est finalement un grand déplacement un peu particulier, mais pas une épreuve.

Je suis montée avec six élèves dans une rame. Cinq sont passés par la porte de droite et se sont accordé une autonomie de quelques mètres. « La différence fait le swag » comme il disent. Moi, je suis passée par la porte de gauche, suivie par Pierre-Marie. Un peu décalé, d’un autre âge. A treize ans, il sait déjà qu’il veut faire Sciences-Po et tout a l’air tracé, par lui. Quinze stations, j’imagine que ça prend une bonne demi-heure. Comme les rebelles sont imbriqués dans leurs valises à roulettes et les strapontins de la rame et qu’ils entament leur énième paquet de chips de la journée, je me lance. Je demande à Pierre-Marie s’il habite loin du collège, pour parler un peu. Il m’explique que non, pas trop. Il a une maison dans une rue adjacente, je vois laquelle, un peu bourgeoise pour ce quartier en difficulté. Il dit aussi qu’il aurait dû aller dans un des meilleurs collèges de la ville mais qu’il a changé d’avis et ne regrette pas du tout d’être dans celui-ci. Quelle part de décision, d’influence de sa famille dans ces propos, impossible de l’évaluer.  Il a l’air de tellement tout maitriser dans sa vie, d’avoir un avis propre sur chaque sujet. Presque étrange. Puis viens la suite:

« -Ici, en fait je sais pas comment dire. C’est vraiment la vie. J’ai des copains, des vrais, il se passe des choses, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma place en fait, voilà. Je sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

-Trouvé ta place, par rapport aux autres en fait?

-Oui, mais pas seulement. À l’école, c’était bizarre pour moi, le collège c’est… autre chose. Ce que je fais ici, ça m’apprend tellement de choses, ça me permet de mieux comprendre le monde dans lequel je vis en fait. Et du coup, ça me rassure.

-T’es moins perdu dans le monde?

-C’est ça. »

C’est là qu’on a du descendre.