La cour de l’école maternelle c’est un endroit où tu tombes en enfance, tu vois des choses que tu as faites, sauf que tu ne t’en rappelais plus. Au milieu de tout ça, il y a des adultes qui sont très sérieux et qui ont vraiment oublié. Ceux-là, ils restent très droits et ils ne se baissent pas pour refaire les lacets par exemple. Et il y a tous les autres, qui sont, heureusement, beaucoup plus nombreux. Si tu restes un peu dans la cour, disons, deux minutes, il y a presque toujours une petite qui s’approche de toi avec des bouclettes d’or et qui te parle avec un cheveu sur la langue. « Tu sais moi ze m’appelle Célestine, et toi? » Et Célestine elle a l’air aussi maligne que celle de Ernest et Célestine. Elle a l’air tellement contente d’être là que ça fait passer l’impression bizarre que donne Farid, juste à côté. Farid, je l’ai vu le premier jour. Il pleurait. Il pleurait encore plus fort quand tu le regardais. Et surtout, si t’essayais de le consoler, là c’était le désespoir. Un peu comme un condamné qui hurlerait à l’erreur judiciaire. Le deuxième jour, il pleurait encore, et le quatrième, il pleurait toujours. Après, je ne sais pas, j’ose imaginer qu’il a arrêté depuis.
En se mettant sur un banc de la « très petite école », on est sur de voir des tas de choses passionnantes et éternellement renouvelées. D’être le spectateur des comédiens les plus sincères. De voir des petits tas de terre avec des feuilles et des cailloux qui sont des garages « Mercébenz ». Des enfants qui montent à l’envers sur des tricycles en s’énervant. Des jungles de plate-bande envahies par des sous-marins en petits bâtons.
Mais tout ça, ce n’est rien à côté du reste, et il vaut mieux s’y préparer. Celui ou celle qui d’un coup, viendra t’offrir une très belle fleur fanée du « parterre ». Et là, il faudra l’accueillir avec émerveillement et garder dans un coin de sa tête la phrase de Shakespeare: « Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle ».