« Mon fils, il est malfaisant madame. » C’est ce qu’elle m’a dit un matin au portail, la mère de Jonathan. C’est pas le mot qui me serait venu, mais force est de constater qu’il n’est pas facile. Il a du mal à intégrer les règles de la vie en collectivité et c’est un très grand provocateur. Avec un petit regard, il peut déplacer des montagnes, en tout cas, donner l’envie de le faire, sans aucun doute. Jonathan il met pas mal de claques à ses camarades, et il les fait saigner du nez aussi, ou il les harcèle comme on dit. Il les regarde de haut en bas en les traitant de gros lards et leur conseille de maigrir, par exemple. On a parlé, il ne comprenait pas. « Mais j’ai pas mis d’coup de poing, j’ai tarté, c’est tout ». Plusieurs parents sont venus me dire qu’ils allaient porter plainte et je crois que c’est vrai. Au-delà de l’utilité de ce genre d’actes, qu’on peut interroger; ils auront une portée, c’est sur. Alors, j’ai laissé un message à sa maman. Et elle venue de suite ce soir. Elle est petite, toute bronzée avec des yeux très bleus. Souriante et ouverte. Elle est un peu désolée et surtout désemparée. Elle ne s’arrêtait plus de parler. « Moi j’sais pas comment faire Madame. Vous savez nous les gens du voyage, hein, on est élevés en liberté, nous c’est pas facile, on n’a pas les même lois que vous. Mon fils c’est comme un canard, y a tout qu’il lui glisse dessus. J’peux rien en faire. Vous avez des enfants vous? Parce que ça se voit, vous avez le sens de la mère. Vous essayez de le comprendre pour savoir ce qu’il pense. Moi j’veux pas qu’il soit bancal mon fils, mais on est comme les poules nous, on s’élève en liberté tous seuls, c’est pas facile hein. Moi, j’sais pas faire, j’y arrive pas. Puis il a tout pris de son père. Ils sont violents de son côté. C’est pas facile hein. »
Que lui dire… Qu’elle a accepté qu’il voit la psychologue scolaire, qu’elle est venue tout de suite au portail, qu’elle est en train de chercher des réponses, et que malfaisant, ce n’est sans doute pas ça. Mais le chemin va être tortueux sans doute. Et Jonathan, je lui ai demandé ce qui pourrait l’aider. « Être tout seul. »