Didier

Au mois de juin, les fraises d’un des repas de la cantine sont restées coincées trois jours dans le monte-charge de l’école et tous les jours la référente me dit « Tu te rends compte, ils sont pas pressés de venir les services, hein ». Tous les jours j’espère secrètement que ça va continuer encore un peu comme ça et j’imagine les coups de fils ubuesques à la Mairie. Ils finissent par venir débloquer les fraises des cent trente-deux élèves de l’école.

Juillet arrive, et sa réunion pour parler du changement d’école de Redouane, en attendant une place dans un établissement avec des soins plus adaptés. La situation est bloquée depuis trois ans et tout le monde est rincé. Mais personne ne vient pour décoincer quoi que ce soit et Redouane change d’école. C’est inévitable et désespérant.

Comme tous les septembre, je déballe ma commande de l’année à venir. Un budget à trois chiffres pour crayons, papiers, paillettes, colle, cahier, perles, puzzles, poupées, pâtisseries en plastique, peinture, craies grasses, kraft, espoir, nouveau ministre. Une enveloppe contrainte. Un casse-tête.

Cette semaine, je choisis une feuille jaune d’or, référencée chez Clairefontaine, 90g, un petit sésame. C’est pour Martin, un petit blond comme les blés, qui veut coller des papiers dessus. Sûre de mon coup, je lui tends la feuille, attendant des yeux émerveillés.

Il me regarde, me fixe un moment et me sors d’un coup : « Maintenant, j’aime plus le jaune ».

Le soir même, la mère d’Anette me demande où j’ai rangé Didier, je comprends que c’est le nom du doudou de sa fille. Enfin, une franche bonne nouvelle pour cette année qui s’élance.