Cette année, j’ai commencé par ramasser des bâtons et des cailloux qui bouchaient les toilettes des garçons le jour de la rentrée. Vraisemblablement des poignées entières.
Le lendemain, on m’a fait pipi dessus, mais contrairement aux élèves, je n’avais pas « mon petit sac de rechange » donc j’ai gardé les mêmes habits jusqu’au soir.
Quelques jours plus tard, j’ai dû sortir de la pâte à modeler de l’oreille de Yacine qui avait bien appuyé pour que ça fasse ventouse. Puis, j’ai débouché l’évier de la classe avec un fil de fer recourbé parce qu’il y avait de la ficelle, de la pâte à sel et du sable dans le siphon. Une sorte de rat mort suspendu au crochet. Je l’ai montré aux élèves qui ont trouvé ça fantastique.
Début octobre, j’ai mis du dégrippant sur toutes les roues des vélos de la cour qui grinçaient atrocement. Et un petit coup sur les gonds du portail de l’école tant que j’y étais. Les élèves ont trouvé ça fantastique. La vraie raison, c’est que le soir, quand ça couine, ils n’écoutent plus rien et ils vérifient tous si les parents arrivent. Je suis seule face à un groupe de suricates .
Avant les vacances, j’ai revissé la porte du frigo en bois de la classe avec une clé à cliquet. Les élèves ont trouvé ça fantastique.
Ce matin, j’ai remarqué deux gros camions dehors et tout un tas d’ouvriers autour. Au moment de la récréation il ne restait que trois grandes guirlandes de rubalise qui formaient un immense triangle en plein milieu de la cour. Au centre, un carré de ciment bien lisse et bien brillant.
Je surveille plus particulièrement cette zone interdite. Je détourne les yeux deux secondes et l’instant d’après, je fonce dans le triangle des Bermudes car je vois très clairement deux lignes de pas, une vingtaine d’empreintes, deux centimètres de profondeur, dans le ciment frais. Je me suis retrouvée à tapoter la surface de la chape, les mains à plat pour essayer de récupérer le niveau. Mais je n’a pas pu atteindre l’empreinte du milieu. Ensuite, j’ai lissé tout ça avec un set de table cadeau plastifié de la « fête des parents » de l’an dernier.
Les élèves étaient tous derrière la rubalise et ils ont trouvé ça fantastique.