Mes élèves sont excités par leurs nouvelles étiquettes de prénoms car c’est en script comme dans les livres.
Noam roule ses dessins pour que ça fasse comme une affiche ou les plie en quatre comme un cadeau et je continue à préférer quand c’est plat, pour mieux voir.
Chloé m’a dit que j’avais des collants de la couleur moutarde comme elle et un pantalon presque pareil, le mardi.
Vers 14h00, je leur remonte souvent les collants d’ailleurs, c’est le rituel. Je me sens mieux par procuration.
J’attends depuis une semaine que quelqu’un coupe les ongles de Fatou, chez elle. J’ai demandé deux fois. Je vois qu’elle est gênée et je regarde très discrètement tous les matins. J’espère que lundi, ce sera la bonne. J’ai vraiment envie d’amener un coupe-ongles. Mais ce serait encore plus gênant.
Dans la classe, ils parlent d’eux et de chez eux : des frères et sœurs, des parents, des grands-parents. Jamais de l’actualité et de son lavage de mains qui n’en finit plus. Parce qu’ils en ont marre, c’est tacite. La classe, on s’y sent chez nous et on ne parle pas de ce qui nous fâche.
Feuilles séchées, nouveaux jeux, consigne sérieuse, raisins ramassés en promenade, curiosités de la maison. Ça n’a pas changé.
L’autre soir, j’étais sur mon vélo et je me suis arrêtée pour regarder le ciel et mieux écouter ce bruit légèrement redouté. Il faisait déjà nuit mais j’ai quand même levé le nez. Des oies sauvages qui repartaient. J’imaginais très bien le grand V dans le ciel, j’ai écouté un moment. Les oies c’est ambivalent, rassurant au printemps, angoissant à l’automne.
Finalement, j’ai pensé que ça ne changeait pas non plus et qu’elles allaient revenir.