C’est presque encore la nuit quand je pars, la rentrée est loin. C’est même bientôt les vacances et comme souvent une sensation que rien n’a démarré, n’a abouti, n’a réussi, ou si peu. Je suis passée à un thé qui a goût d’orange, mais l’automne n’arrive pas vraiment. Beau, beau et toujours re beau temps. Mille maîtresse prononcés et beaucoup de attends répondus. L’année va être dense, bruyante, mouvementée. Elle ressemble à ça pour le moment.
Lamine qui m’interpelle sans interruption, me tape sur l’école, me parle très fort dans l’oreille, me met son dessin devant les yeux à 3 cm, hurle maman en adoptant la technique de la bûche abandonnée dans la forêt, en plein milieu du chemin. Mais je m’y fais, et d’ailleurs, il aime les plantes. Il me demande souvent de répéter le nom de celle qu’on a arrosée, le jour où il pleurait trop. Une bouture de Piléa, que j’avais ramenée de chez moi.
Le papa désagréable l’est toujours, il sourit crispé et me donne du « Ah oui, merci, vous êtes bien gentille » quand je lui rappelle qu’il doit me ramener le cahier, arriver à l’heure ou s’occuper de chercher lui-même les vêtements de son enfant. Mais il ne le fait pas.
Et puis il y a les questions étranges de Karim. Pourquoi la peau s’en va si on tire dessus? Pourquoi il n’y a pas de bouche d’égout dans la nature? Pourquoi on voit la lune et le soleil en même temps? Pourquoi y a la garderie?
[…]
C’est ici que cet article se terminait. C’était un peu abrupt et je ne trouvais pas la fin. Je l’ai relu tout haut, comme à chaque fois. Et là, j’ai entendu le lapsus, c’est ça qui me travaille depuis que c’est arrivé. Voilà, la fin est vers le début et elle est vraiment abrupte. J’ai laissé comme ça, je n’ai pas corrigé et je n’ai pas eu besoin de chercher longtemps. Je n’avais rien dit sur le suicide de notre collègue en septembre, ni sur sa lettre qui raconte ce que les directrices et directeurs, nous faisons tous les jours. Je ne rajoute rien, les lapsus, ça sert à ça, à dire ce qu’on ne peut pas exprimer.