J’ai l’impression de bosser dans un commissariat, des agents doubles infiltrés dans tous les coins de la classe, des rapports, des témoins, des indics qui défilent à ma petite chaise, toute la journée. Ceux qui ont fait, ceux qui n’ont pas fait, ceux qui ont dit. Ceux qui ont pété.
Rien ne leur échappe. Je n’ai pas demandé pourtant, ça doit être le moment pour eux, le truc le plus palpitant du moment, respecter ou transgresser. Alors bon, j’incarne, j’explique, je demande des précisions. Ce qu’on peut, ce qu’on n’est pas obligé de… le code pénal commence ici.
Le plus gros problème, c’est la boîte du jeu « Premier Verger ». Dessus, il y a écrit « +2 », parce qu’on peut y jouer à partir de deux ans. Mais il y a un autre endroit de la boîte avec écrit « 4 » car on peut y jouer jusqu’à quatre joueurs. Tout ça fait que…oui, on peut y jouer à trois personnes, trois personnes de quatre ans et demi. Mais après débat intense seulement. Pour savoir si tous les aspirants peuvent accéder à la table de jeu. Pire qu’au Casino. Les malheureux qui montrent trois doigts pour dire qu’ils ont quatre ans sont expulsés manu militari par leurs pairs.
Et quand on se dit que c’est simple, il y a encore des cadres, étranges parfois. C’était avec Rédouane, on rangeait des bouts de bois du plus grand au plus petit, je lui montrais comment les aligner et les comparer, pour être sûr. Il y arrivait très bien. Et là, il m’a donné son truc. « C’est le plus grand. Comme un père. » J’ai bien demandé si c’était père, impair ou perd. Mais non, il m’a bien répété « Comme un père, grand comme un monstre. »
Rien ne va plus.