En ce moment, le grand jeu dans la cour, c’est de se kidnapper. Se faire peur, se séquestrer sous le toboggan, être immobilisé par des ravisseurs. Revenir en classe sans avoir été otage, c’est abusé, apparemment.
Quand j’ai des petits doutes, je m’approche: « Non, t’inquiète pas, on joue maîtresse ». On sait jamais, des fois qu’ils commencent à se harceler. Mais non, ça va, on en est au jeu symbolique. Ouf. Faut pas non plus qu’ils loupent cette étape. La maitresse du RASED y tient vachement et je vois vraiment l’idée.
Nous les grands, on joue pas, justement. Et on s’inquiète. En tout cas, on nous demande de le faire. Dans trois jours dernier délai, je dois renvoyer le fameux, Plan Particulier de Mise en Sécurité. Le document qui dit ce qu’on fait s’il y a le feu, une marée noire, un agité du bocal qui veut faire du tir au pigeon dans la cour ou une petite explosion nucléaire. Plus la rédaction avance, plus on se dit que c’est impossible de penser à tout.
Les élèves, eux, se sentent en sécurité et jouent à être en danger.
Hier, il y en a un qui agrippait le grillage qui donne sur la rue en hurlant aux passants: « A l’aide!! », les yeux écarquillés et les veines du cou gonflées. J’ai couru vers lui, il a tourné la tête, grand sourire: « C’est pour faux, maîtresse! »
Ce cas de figure, n’est pas prévu dans le document et pourtant, ma légère honte de maîtresse était bien palpable, elle.