Comme il pleut depuis un bon moment, tout a l’air triste, même si ça ne l’est pas vraiment. Les enfants aussi, ils ont l’air tristes, enfin certains. Je m’approche du portail où une grande blonde regarde les petits cailloux par terre. Il y a quelques années, elle était minus et ne savait pas faire ses lacets. Maintenant, elle a grandi et elle a le vague à l’âme. Sans capuche sous la pluie, on dirait une héroïne de film, qui voudrait vraiment qu’on lui demande comment ça va. La réponse tombe. C’est son « plus pire jour » parce qu’elle n’a pas d’amoureux. Plus d’amoureux. Sa meilleure copine de cette semaine a forcé son chéri à changer d’amoureuse. Toute mouillée sous la pluie, elle les regarde. Sous le préau, eux aussi ils la regardent. Ça ressemble un peu à la vie des grands à l’échelle d’une petite. Western moderne dans la cour des petits. Et ça a l’air vraiment horrible. J’aimerais lui dire que ça s’arrange après, mais je ne lui dis rien, parce que je vois bien qu’elle n’y croit pas trop et moi non plus en fait, enfin pas toujours. Alors, je tente un « Ce n’est pas toujours comme ça ». En plus c’est la Saint-Valentin aujourd’hui et « ça lui met la honte », et moi ça m’attriste que ça la touche autant. C’est la moins bonne raison pour empirer un chagrin d’amour. Elle me regarde un peu bizarrement. Je pense à une phrase lue sur les réseaux sociaux: « Pour la Saint-Valentin, léchez votre partenaire, pas les vitrines ». Mais comme ça sonne et qu’il pleut toujours, je lui dis que ça va passer et que ça ira mieux, même si là maintenant c’est difficile à imaginer et surtout, que la Saint-Valentin c’est pourri. Et ça lui arrache un sourire, parce que j’ai dit pourri et que c’est un peu un gros mot.