Le dernier vendredi fut ensoleillé avec très peu d’élèves. Tout avait goût de toc. Le silence dans la classe, le bonjour du matin, les sourires aux parents et la mousse du lavage des mains.
Le soir, j’ai donné du grain à la poule. On l’a laissée grandir sans lui donner de prénom. Elle s’appelle toujours « le poussin ».
Lundi, j’ai bouclé l’école, dit à bientôt aux parents venus chercher du travail en catastrophe. J’ai rentré les poubelles de la rue et ramené quelques plantes de la classe chez moi. D’autres sont restées dans la cour. Elles seront arrosées par une main non verte, mais volontaire pour aller relayer les collègues qui travaillent malgré tout. Entre de bonnes mains pour de vrai.
Le matin maintenant, tout est comme d’habitude. Réveil, thé, douche, infos.
Mais je ne pars pas. Je reste à la maison en attendant qu’on m’appelle.
Je cherche comment aider les parents, face aux inégalités, à la fracture numérique, à l’angoisse. J’apprends tout seule, j’essaie de m’adapter. Je reçois des mails, des photos des enfants, des mots des familles. Pour certaines, un investissement à la hauteur de la détresse du moment.
Je chiale devant mon ordinateur, les photos de crumble trop cuits et les petites boules maladroites de pâte à modeler. Je m’habitue, je m’organise.
Aujourd’hui, je les ai appelés. Les vingt-quatre.
Le père d’Eylin m’a invitée à venir chez eux si c’était possible, pour manger des gâteaux turcs, « quand le monde sera guéri ».