Avec les parents, on se rencontre tous les jours en coup de vent. C’est rapide, c’est la fameuse séparation, même quand le début d’année est loin. Parfois, ils pleurent en partant dans le couloir.
De dos, mais je le sais.
Leurs enfants, eux, ne pleurent pas longtemps du tout après leur départ, mais ils ne le voient pas.
Je prends aussi le temps de les rencontrer plus longuement dans la classe. Pour leur expliquer comment on travaille, montrer les réussites, les détailler. Pour les encourager à continuer d’être un parent d’élève, un parent tout court, pour les guider parfois. Et là, ils pleurent encore. Devant les photos, devant le petit dessin qui les représente tous tordus ou avec des membres en moins, les découpages appliqués, le comptage des bougies sur le gâteau d’anniversaire de l’ours. Ils sont gênés, étonnés, impressionnés et saisis par leurs émotions. Maintenant, j’ai une boîte de kleenex pas loin, je l’attrape et je la pose sur la table quand ils pleurent. Quatre fois depuis janvier. Trois mères et un père.
Hier Abdou m’a amené une feuille avec son prénom écrit dessus. On en avait parlé pendant le rendez-vous avec sa maman. J’avais dit qu’on allait commencer à y aller tranquille, à s’y mettre… pour savoir l’écrire bientôt. Il a voulu tout de suite et il s’est entrainé tous les jours de la semaine.
– « T’as vu le U j’ai un peu raté.
– Mmmh, non ça va, il faudra le faire un poil plus grand la prochaine fois, mais on reconnait bien la lettre.
– C’est pas grave, maîtresse. C’est pas grave, hein. Même mourir c’est pas grave. On va tous mourir. Même toi maîtresse. »
C’était dit simplement et avec un immense sourire, c’était joyeux.