Se taire

La lessive, les courses, la déclaration de revenus, la poubelle, le réveil pour demain, les mails non-lus, les moutons sous les meubles, le reste. La vie de tous les jours, que chacun se coltine à ses détails personnels près. Les élèves n’imaginent pas que nous en avons une, mais pourtant si. Nous ne sommes pas seulement celle ou celui qui fournit des gommettes, tire un nouveau livre de son sac, prépare de la pâte à modeler dans sa cuisine et pose sa main sur les petites têtes à tresses et cheveux courts. Au fatras de notre quotidien, se rajoutent les questions professionnelles, les récentes et les plus anciennes. On y répond partiellement au fil des ans, lentement, et pas vraiment.

Celles sur l’autorité et la posture d’enseignant, je me les ramène à la maison.

Les indices et les bribes de réponses tombent parfois, pas quand on s’y attend, bien entendu. C’était ce dimanche, dans une vieille salle un peu municipale avec de la moquette sur les murs – on a estimé… fin des années 70. Un Christ géant caché derrière le rideau de la scène et une Vierge en pierre au dessus de la porte d’entrée. Un lieu bien laïque pour « improviser ». Dans ce théâtre-là, on apprend, entre autres, à ne pas prévoir et à vivre et jouer ce qui se passe, au moment où ça arrive. Vraiment le contraire de ce que l’on fait avant notre journée, les enseignants. On cale, on anticipe, on tente de tout minuter. On se déforme un peu les émotions et la réactivité, à force.

Faire avec ce que ça nous fait, c’était un des conseils de dimanche. Pour toute la vie d’ailleurs, je crois.

On a joué aux devinettes aussi. À qui est le plus fort sur scène… celui qui parle, celui qui parle très fort, celui qui reste assis. C’est bon d’y rejouer entre grands pour voir ce que ça fait.

Dans la classe, j’ai eu envie de pousser un petit gueulon deux trois fois dans la journée, mais j’ai repensé à hier et la moquette au mur. Et j’ai essayé de faire autrement.

Et ce soir aussi, j’y repense. Et demain encore j’aimerais. Et les autres jours d’après j’espère.