Le grand sommeil

Cet après-midi, j’étais assise dans le grand fauteuil rouge de la classe devant les lits superposés et les petites couchettes posées au sol. Ça ronflait sec et je repensais à la phrase de ma sœur: « On dirait des bentos les gosses ». Pas faux. Saucissonnés dans leurs couettes, ces petits sushis ont encore trois siestes officielles avant les grandes vacances. Combien d’entre-eux vont continuer à la faire cet été?

Avec ma sœur, on a des concepts pour définir les choses du quotidien qui n’ont pas forcément de nom. Il y a quelques années, on a inventé « les winnies ». On était toutes les deux au nord de l’Europe, dans un décor improbable d’ancien pays de l’est. Fatiguées par une journée de marche, on venait de se retrouver, de parler des heures, et on s’endormait quand il y a eu un bruit proche de: « Mmmmppfffgpfggg« . Le bruit du contentement de l’endormissement. Suivi d’un silence et d’une explosion de rire interminable. C’était le premier « winnie » de l’histoire. Parce que Winnie l’ourson fait sans doute ce bruit quand il vient de trouver un gros pot de miel et qu’il le serre fort entre ses bras.

Les « winnies », on en fait tous. Mais on ne les entend pas toujours et on ne le dit pas. On les contient, on les refrène, ils échappent aux autres. Ils nous font sourire ou nous gênent. À trois ou quatre ans, quand c’est presque la dernière sieste de l’année, qu’il ne fait ni trop chaud, ni trop froid à l’école et qu’on se sent bien, on fait apparemment des winnies.

Aujourd’hui, il y en a eu beaucoup. Un concert de winnies, pour saluer l’année presque écoulée.