Tiens, merci.

Qui s’occupe de ceux qui s’occupent des autres? Parfois personne. Dans une ZEP comme on dit, c’est complexe, il y a plein de sigles, de zonages, de secteurs, de référents, de dispositifs et j’en passe. Tout cela se chevauche allègrement et chacun doit faire son travail au mieux, mais sans aller jouer sur l’herbe trop verte du voisin, qui pourrait vous tondre, dans le doute. Rester dans son « champ » de compétences. Découvrir la langue de bois petit à petit, ceux qui la maîtrisent parfaitement mais qui disent des choses intéressantes quand même. Les techniciens du langage social et urbain.  Je me demande au bout de combien de temps on se déforme vraiment (sans doute quand on croit qu’on est étanche). Pour le moment j’absorbe les sigles qui changent, les pré-projets qui passent au massicot, les organigrammes jamais à jour. Je cherche les pilotes dans les avions aussi, et il y en a, parfois. Certains s’intéressent aux passagers et d’autres au moteur, et sur le terrain, c’est encore autre chose. Il faudrait être un peu sociologue, psychologue et négociateur de crise aussi, pour les jours plus imprévisibles. Donc on fait comme on peut, on pioche dans ses maigres observations et ça marche, de temps en temps. Parfois, on se réjouit de petites choses. Réussir à choisir à qui on parle, ce qu’on répond et sur quel ton. Et on ravale aussi. De demander l’autorisation de faire son travail. Et on résiste à la tentation de remercier ceux qui nous permettent de le faire.  Ce n’est pas la guerre, mais il y a des enjeux de pouvoir, de petit pouvoir: le café, tiens. Celui qu’on se paye et celui qu’on vous offre. J’espère que quelqu’un a écrit une thèse là-dessus.

Aujourd’hui, j’ai rappelé une femme « transversale », comme moi. Une, aux missions in(dé)finies, et elle a dit: « Oh là, là, je vais encore faire ma clocharde avec mon agenda sur le trottoir, mais je suis tellement contente que vous me rappeliez. Ecoutez, j’ai pas encore exprimé ma joie aujourd’hui, ben je le fais avec vous, tiens ».