Sentier tibétain

Sentier tibétain

tousLes enfants ne sont pas tous pareils. Banalité semble-t-il. Mais la réalité rappelle de temps en temps à quel point c’est vrai et combien d’énergie cela prend. Carmen. Ou Karaba. Ce sont les prénoms qui me viennent pour l’appeler. Cette petite, elle a été épuisante toute l’année. Et insaisissable. Elle n’avait pas envie d’être là. Pas envie d’être à l’école, ni d’apprendre. Elle me demandait d’un air désespéré si c’était le soir et si bientôt on rentrait à la maison. En classe, très souvent debout, occupée à faire de la soupe imaginaire dans son taille crayon. A mimer Shakira en se faisant des boucles d’oreilles géantes avec ses trousses de feutres. A penser. A rester face au bureau sans rien faire. Un jour, elle est venue en chaussons parce qu’elle venait de se lever. Une coiffure improbable, l’œil noir, et elle m’a fusillée du regard en passant le portail. Bonne journée, maîtresse. Un autre jour, elle m’a annoncé triomphante qu’elle avait oublié son cartable. Les jours et les mois sont passés. L’évocation du maintien en CP, très récemment. Sans certitude vraiment…sans rien pour trancher, si ce n’est l’avis des parents, farouchement opposés. Et cette semaine encore, elle est arrivée avec son costume de « boudisme ». Moue, tête baissée et sourcils froncés. Elle m’a dit: « Papa il sait pas faire les coiffures, alors j’suis pas peignée parce que maman elle est à l’hôpital. » Mince, j’ai demandé ce qu’il y avait. « Ben, elle faisait que pleurer  alors elle est partie à l’hôpital. » Forcément après ça, je la laisse faire de la soupe à l’air et aux herbes avec son réservoir de taille-crayon. Et être une grande et apprendre, ça fait pas vraiment rêver dans ce contexte.

Et puis, quelque chose s’est passé. Je ne sais pas trop comment. Ou si, j’ai plusieurs idées, c’est sa mère qui m’a raconté, et on ne peut pas tout répéter. Et comme je lui ai dit,  à sa maman, ce qui compte c’est que ça avance. Depuis une semaine, elle a envie. C’est peu, mais elle me montre qu’elle sait, des choses qui semblaient lui passer très haut au-dessus. J’ai bien fait attention, ça ne peut pas être le hasard, elle sait vraiment. L’année a été très longue, bien décourageante, et sacré énervante. Mais rien n’est vraiment figé, même pour les plus butées des boudistes. Il reste du chemin, mais elle a mis ses chaussures.