Kévin, il est inépuisable. Branché sur triphasé et aussi solide qu’un glaçon sorti du frigo. Depuis deux mois, j’essaie de le persuader qu’il sait lire. Bien sur, pas aussi vite que les autres, mais pas forcément non plus très lentement. La maîtresse du RASED, elle dit que ce qui compte, c’est le chemin parcouru. La première fois que j’ai entendu ça, je me suis dit que c’était utopiste et qu’elle était peut-être un peu dans sa réalité à elle. Maintenant, je sais que je me trompais et que c’est vrai.
Kévin, il commence toutes ses phrases par « Ouais, mais moi maîtresse, je vais pas y arriver! » ou « Euh, t’as oublié maîtresse, que moi j’y arrive pas? »
Grâce à lui, j’ai développé plusieurs stratégies. J’alterne les faux regards méchants dubitatifs qui ne le trompent pas vraiment, jusqu’à qu’il se résigne en poussant un « Ahrghh, ok d’accord, j’essaie! » auquel il ne croit pas vraiment non plus. Et on avance comme cela, à deux, et à vue.
Puis un jour, le vendredi d’avant les vacances, j’arrive en classe, un peu polluée par une entrevue houleuse au portail, avec un parent pas content. C’est le dernier jour, on va ranger, les minutes vont sans doute être un peu plus longues que d’habitude. Et le dernier jour, c’est pas le plus facile, parce qu’on va se séparer et tout le monde le sait très bien. Là, Kévin, il s’est penché vers mon bureau, et m’a chuchoté: « Euh, maîtresse, ça y est, je crois que je sais lire comme les autres ».
Il sait qu’il sait.
C’est un vrai cadeau sans papier autour.
Ah oui quand l’enfant se rend compte à la fin du CP qu’il sait lire, l’enseignante est super heureuse. Parfois je dirais même que c’est miraculeux!!! Mais qu’est ce qu’on est content de part et d’autres!!! Même si c’est le dernier jour d’école que tout est dit, c’est super soulageant! Quel « cadeau »!